13 novembre : bronca contre les experts psychiatres

Des avocats de victimes des attentats déplorent les méthodes de certains médecins mandatés par le Fonds d’indemnisation.

La colère gronde parmi les avocats des victimes des attentats terroristes qui ont ensanglanté Paris le 13 novembre 2015. Dans leur collimateur : une poignée de médecins psychiatres chargés par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) d’évaluer le préjudice subi par leurs clients. Ils jouent un rôle clé, puisque c’est leur rapport qui déterminera le montant de l’offre d’indemnisation proposée par le Fonds.

Exaspérés, plusieurs défenseurs ont choisi de s’en remettre à la justice. Début juillet, ils ont demandé, par voie de référé, la désignation d’experts judiciaires. Ce qu’ils ont obtenu dans une ordonnance rendue le 17 juillet. Celle-ci alloue par ailleurs à leurs clients de précieuses provisions qui leur permettront de payer les avances sur les honoraires des praticiens.

Les avocats exclus des consultations

Premier point de désaccord : la présence de l’avocat. Lorsque la victime rencontre le psychiatre du FGTI, celle-ci souhaite généralement qu’il l’accompagne, tout comme son médecin-conseil. "C’est un rendez-vous douloureux auxquels nos clients nous demandent d’assister, indique Me Géraldine Berger-Stenger. Notre présence les rassure, car nous connaissons bien leur intimité et leur histoire."

Mais certains experts, comme le Dr B., préfèrent que le conseil reste à la porte de leur cabinet. "Elle a pris contact avec mon client pour qu’il vienne sans moi", s’insurge Me Aurélie Coviaux. Et quand les robes noires sont admises dans l’antre de cette psychiatre, elles n’ont droit qu’à un strapontin. "On est relégué sur un petit canapé au fond de la pièce, derrière la victime", déplore Me Isabelle Teste. Sa consoeur Géraldine Berger-Stenger a fait la même expérience avec le Dr P-V. "Malgré l’insistance du médecin-conseil et de mon client, rien n’y a fait : je n’ai pas eu le droit d’entrer dans son bureau", peste-t-elle.

Pourtant, une lettre du Conseil national des barreaux (CNB) de décembre 2017 rappelle les bonnes pratiques : les défenseurs des victimes doivent être présents lors d’un examen médical si leurs clients en manifestent le désir. Julien Rencki, le directeur général du FGTI, n’est pas d’accord : "Au nom du secret médical, le praticien ne peut pas se voir imposer, contre sa volonté, la présence d’un tiers lors de l’examen clinique - sauf bien sûr le médecin conseil choisi par la personne concernée, dont les honoraires sont d’ailleurs pris en charge par le Fonds."

Le difficile respect de la contradiction

Dans son courrier, le CNB, sous la plume du président de sa commission des règles et usages, souligne en outre que "le principe du contradictoire [doit] être respecté en toutes circonstances". Or c’est justement le second point de friction entre avocats et experts psychiatres. Isabelle Teste reproche au Dr B., encore elle, "l’absence d’échange et de discussion".

"Il faut se battre pour qu’elle acte des désaccords dans son rapport, ce qu’elle est pourtant censée faire dans le cadre de cette procédure qui, il faut le rappeler, est amiable et contradictoire." Arthur Dénouveaux, le président de l’association de victimes Life for Paris, qui se trouvait dans la fosse du Bataclan le 13 novembre, a gardé un souvenir amer de sa rencontre avec le Dr B. : "Elle nous a mis dehors, mon médecin-conseil, mon avocat et moi, sans l’habituelle phase de conciliation qui permet à chacun d’exprimer ses éventuelles divergences", se souvient-il.

En juin, Me Teste a accompagné un couple de victimes du Bataclan chez le Dr G., un psychiatre récemment installé à Paris, qui les a reçus... boulevard Voltaire, non loin de la salle de concert située sur la même artère. "Il n’écoute pas et ne supporte pas la contradiction, soupire l’avocate. Le médecin-conseil était tellement mécontent de la discussion médico-légale qu’il a tenu à consigner par écrit ses observations. Et j’ai fait état de ces difficultés auprès du Fonds." Elle n’exclut pas de demander, elle aussi, la désignation d’un expert judiciaire.

Source : L’Express
Auteur : Anne Vidalie
Date : 21/07/2018

Nous soutenir

C’est grâce à votre soutien que nous pouvons vous accompagner dans l’ensemble de vos démarches, faire évoluer la prise en charge des victimes par une mobilisation collective, et poursuivre nos actions de défense des droits des victimes de catastrophes et d’attentats.

Soutenir la FENVAC

Ils financent notre action au service des victimes