Collision d’un car soclaire à Allinges : SNCF et RFF sur le banc des prévenus

La dangerosité des passages à niveau sera au coeur du procès mercredi à Thonon-les-Bains de la collision d’Allinges, dans laquelle avaient été tués sept collégiens, avec la SNCF et Réseau ferré de France (RFF) sur le ban des prévenus.

Le car scolaire après sa collision le 2 juin 2008 à un passage à niveau à Allinges
afp.com/Jean-Pierre Clatot
Le 2 juin 2008, un TER assurant la liaison entre Evian-les-Bains et Genève avait percuté un car scolaire en Haute-Savoie, tuant sept collégiens âgés de 11 à 13 ans et faisant 25 blessés. Un des accompagnateurs, profondément choqué par l’accident, se suicidera quelques temps plus tard.

Le conducteur du car est poursuivi pour homicide involontaire. Il lui est notamment reproché d’avoir commis plusieurs manoeuvres maladroites et erreurs d’appréciation, comme d’avoir arrêté son véhicule en pleine traversée du passage à niveau.

En arrêt maladie pendant trois ans après l’accident, il "s’estime partie prenante de ce drame, il se reconnaît responsable : tout est gravé en lui", a déclaré à l’AFP son avocat, Me Adrien-Charles Dana.

"La question est maintenant de déterminer la part des responsabilités de chacun dans cet accident. Nous sommes dans un souci de recherche de la vérité", a-t-il ajouté, en saluant le renvoi de la SNCF et de RFF en correctionnelle.

Les deux entreprises publiques ont été mises en examen en janvier 2012, près de quatre ans après les faits, au grand soulagement des familles des victimes qui craignaient que seul le chauffeur soit poursuivi.

Dangerosité mal évaluée, selon les juges

Les deux juges qui ont instruit l’affaire reprochent à RFF et à la SNCF d’avoir insuffisamment tenu compte de la dangerosité du passage à niveau d’Allinges, en particulier pour les cars et les poids-lourds.

Le président de la SNCF Guillaume Pepy est cité comme témoin au procès, qui s’ouvre au tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains.

"Il y a eu incontestablement des négligences qui ont été commises" dans l’entretien du passage à niveau, accuse Me Georges Rimondi, avocat des parties civiles. "Les victimes souhaitent que ces sociétés viennent s’expliquer et qu’elles soient condamnées", a-t-il ajouté.

Un autre avocat des parties civiles, Me Denis Dreyfus, craint cependant que le procès ne se transforme en "partie de billard à trois bandes où chacun va se renvoyer la responsabilité".

Le passage à niveau n°68 d’Allinges ne figurait pas sur la liste des 364 passages "préoccupants" au moment de l’accident.

Mais l’instruction a mis en lumière la "géométrie difficile" de cette traversée routière (virage serré, pente), dangereuse à emprunter par des camions ou autocars au regard des délais trop courts d’annonce des trains.

Selon les juges d’instruction, RFF et la SNCF auraient ainsi dû effectuer des travaux de sécurisation du passage à niveau ou, au moins, demander au Conseil général d’interdire sa traversée par les poids-lourds et les cars. "A aucun moment, la SNCF n’a été avertie de la dangerosité, aujourd’hui évoquée, du passage à niveau", assure toutefois Me Michel Bertin, avocat de l’entreprise ferroviaire.

Tout en insistant sur leur respect de la "douleur des victimes", les avocats de la SNCF et de RFF contestent toute responsabilité dans ce "drame épouvantable". Ils assurent que les deux sociétés ont parfaitement respecté la réglementation en vigueur à l’époque des faits.

"Le passage à niveau était intrinsèquement conforme. Le juge nous recherche au-delà de nos obligations", plaide Me Thierry Dalmasso, avocat de RFF.

Selon Me Bertin, tout ce qui touche à la configuration d’ensemble du passage à niveau, à son "étroitesse" ou à la dangerosité de son emplacement par rapport à la route "relève de la compétence du conseil général", gestionnaire de la route sur laquelle a eu lieu le drame.

Un temps évoquée, la responsabilité de ce dernier n’a finalement pas été retenue par les juges.

En juillet 2008, une circulaire ministérielle a invité les services de l’Etat, des départements et des communes à "affiner leur connaissance de la dangerosité réelle de chaque passage à niveau", afin qu’un tel accident ne se reproduise plus.

En 2012, cent collisions ont été dénombrées et 33 personnes ont été tuées sur des passages à niveau en France (contre 179 collisions et 40 tués en 2002).

AFP - 3 avril 2013


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