Procès Carlos : l’ex-juge Bruguière se fait avocat de son instruction "hors norme"

L’ancien juge Jean-Louis Bruguière, attendu de pied ferme par Carlos, a entrepris mercredi devant la cour d’assises spéciale de Paris de justifier en détail l’instruction "hors norme" qu’il a menée pendant 17 ans et que la défense s’échine à mettre en pièce.

Mais sa confrontation attendue avec l’accusé a été reportée à vendredi : voyant l’heure avancer, la défense a souhaité que les débats avec ce témoin vedette soient interrompus mercredi soir pour mieux reprendre dans deux jours.

L’ancien magistrat a entamé peu avant 18h00 sa déposition à la barre, reprenant la longue chronologie des instructions de 1990 à 2007.
Une "procédure hors norme", a-t-il témoigné devant un Carlos attentif.

Pour ses retrouvailles avec le magistrat devant les assises, l’accusé a encore plus soigné sa mise que d’habitude : veste bleu marine et pochette
rouge en harmonie avec sa chemise.

Ilich Ramirez Sanchez est jugé jusqu’au 16 décembre pour quatre attentats commis en France en 1982 et 1983 qui ont fait onze morts et près de 150 blessés.

"Croisement", "validation", "corrélation" des preuves, l’ancien juge antiterroriste, à la retraite depuis 2007, a déployé toute la palette de son vocabulaire pour défendre son enquête menée à coups de commissions rogatoires internationales en Europe et au Moyen-Orient.

Les avocats de Carlos n’ont eu de cesse, depuis le début du procès, de mettre en pièces le travail du juge. Ils lui reprochent une instruction partiale, menée uniquement à charge et dans un but finalement politique.
Mais sans attendre les questions de l’accusé et sa défense, ce sont la cour, les parties civiles et le parquet général qui ont mis le magistrat sous pression, qui ont mis "les pieds dans le plat", selon les mots de l’avocat général Olivier Bray.

Dans la procédure du juge Bruguière, les charges s’appuient sur de nombreux documents issus des archives des services secrets des anciens pays du Pacte de Varsovie où Carlos avait installé ses quartiers au début des années 80 et où il se trouvait sous étroite surveillance.
Plusieurs pièces font état de liens entre l’organisation de Carlos et les quatre attentats dont il est accusé.

"Mais avez-vous imaginé que ces pièces aient pu faire l’objet de manipulation" de la part des services secrets de l’Est, l’interroge le président Olivier Leurent.

Aux yeux de Jean-Louis Bruguière, cette "théorie complotiste" n’est tout simplement pas "recevable".

Si pour le président de la cour, la question de la manipulation est devenue rituelle dans les débats, c’est que la justice allemande, lorsqu’elle a dû juger le bras droit de Carlos, Johannes Weinrich, en 2004, a préféré écarter les pièces provenant des agents secrets des anciens pays communistes qu’elle ne jugeait pas assez fiables.

Ces services avaient pourtant "la même rigueur que les services de l’Ouest", a affirmé M. Bruguière, insistant sur sa propre "méthodologie" et les "vérifications" qu’il avait entreprises.

"Ces documents étaient légitimes judiciairement parlant, ils étaient admissibles", a-t-il défendu, contestant qu’il s’agisse de "la colonne vertébrale du dossier".

Pour lui, "ce sont des éléments importants mais qui éclairent d’autres éléments matériels qu’on avait par ailleurs".
Il a toutefois admis qu’il aurait préféré disposer des originaux des enregistrements des conversations de Carlos et de ses acolytes effectués par les services de renseignement de l’Est. "Mais je crois qu’elles ont été perdues".

Une explication que Carlos ne devrait pas laisser passer lors du deuxième acte du témoignage de Jean-Louis Bruguière, vendredi. "Je suis un très bon interrogateur", a-t-il prévenu, d’un air gourmand, mercredi soir.

AFP - 23 novembre 2011


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