Hommages, enquête, victimes : le point, un an après les attentats de Bruxelles

Le 22 mars 2016, trois terroristes de l’État islamique se sont fait exploser dans l’aéroport et le métro de la capitale belge, tuant 32 personnes et en blessant 320 autres. Le Figaro revient sur cette tuerie, ses zones d’ombres et ses conséquences.

Il y a un an, Bruxelles était frappée par les pires attentats de son histoire. Cette attaque djihadiste, perpétrée par trois terroristes de l’État islamique, avait causé la mort de 32 personnes, en blessant 320 autres dans la capitale belge. Dans le hall de l’aéroport de Zaventem, deux hommes avaient déclenché leur ceinture d’explosifs, tuant seize personnes. Puis, quelques minutes plus tard, un troisième terroriste s’était fait sauter dans une rame de métro à la station Maelbeek, faisant seize autres victimes. Le Figaro fait le point sur les hommages, l’enquête en cours, et la situation tendue en Belgique, un an après le drame.

Hommages

Les commémorations commenceront peu avant 8 heures, mercredi, à l’aéroport de Bruxelles-Zaventem, en présence du roi Philippe et de la reine Mathilde, de victimes et de leurs proches, de membres des services de secours et du gouvernement. Une minute de silence sera observée. Le couple royal se rendra ensuite en train jusqu’à la station de Maelbeek, avant d’inaugurer une sculpture monumentale à deux pas du siège de la commission européenne.

Métro, bus et trams de la capitale belge s’arrêteront à 9h11, date à laquelle Khalid El Bakraoui s’était fait exploser dans le métro, station Maelbeek. Au lieu d’une minute de silence, les conducteurs et contrôleurs observeront une minute de bruit afin de « montrer qu’ils n’oublient pas mais restent debout, contre la haine et la terreur », explique la société des transports en commun bruxellois (Stib). Les voyageurs sont invités à s’y associer en applaudissant.

À partir de midi et pendant toute la journée, des commémorations auront lieu un peu partout à Bruxelles. Dès 15 heures, une marche sera organisée par le collectif « #TousEnsemble #SamenEen #AllUnited », avant une cérémonie d’hommage. Un concert interreligieux, organisé à l’église Saint Jean-Baptiste de Molenbeek, viendra clore les cérémonies à 20 heures.

L’enquête

L‘enquête sur les attentats de Bruxelles se poursuit. Les trois kamikazes, Najim Laachraoui et les frères Ibrahim et Khalid El Bakraoui, ont été clairement identifiés. Le premier avait combattu en Syrie. Il est considéré comme l’un des artificiers des attentats de Paris. Il a été convoyé jusqu’en Belgique par Salah Abdeslam, seul membre vivant du commando du 13 novembre. Ibrahim El Bakraoui, lui, tentait de se rendre en Syrie lorsque les autorités l’ont interpellé pendant l’été 2015. Quant à son frère Khalid, il était soupçonné d’avoir loué sous une fausse identité une des planques belges utilisées par l’équipe du 13 novembre. Dans l’enquête sur les attentats de Paris, il était visé par un mandat d’arrêt depuis décembre 2015.

Outre les trois auteurs de l’attaque, neufs autres hommes sont inculpés dans l’enquête. Parmi eux, Mohamed Abrini et Osama Krayem, impliqués dans la préparation des attentats de Paris. Sur le point de passer eux aussi à l’acte le 22 mars, ils auraient renoncé à actionner leurs explosifs, Abrini à l’aéroport, Krayem dans le métro. Ils ont été arrêtés séparément le 8 avril 2016 dans la banlieue de Bruxelles. Abrini, 32 ans, a reconnu être « l’homme au chapeau » poussant une valise bourrée d’explosifs sur un chariot aux côtés des deux kamikazes de l’aéroport. Il l’a ensuite abandonnée et a fui. Ami d’enfance de Salah Abdeslam, il est apparu très tôt dans l’enquête sur le 13 novembre. Il a notamment été filmé en compagnie de ce dernier dans une station-service de l’autoroute A1, en route vers Paris, à l’avant-veille des attentats.

Osama Krayem, 24 ans, né en Suède de parents syriens, s’est lui mêlé au flot des réfugiés pour remonter de Syrie, où il se trouvait encore en janvier 2015. Comme Laachraoui, il compte parmi la dizaine d’hommes pris en charge en voiture par Salah Abdeslam. Lui depuis Ulm (Allemagne) début octobre 2015, avec deux autres complices présumés des attentats de Paris. Il serait passé dans plusieurs caches belges utilisées par les commandos du 13 novembre. Dans l’enquête sur le 22 mars, Krayem a été confondu par des images de vidéosurveillance. Il apparaît discutant avec Khalid El Bakraoui dans le métro peu avant l’explosion à la station Maelbeek. Il a également été filmé dans un centre commercial de Bruxelles en train d’acheter les sacs qui allaient servir à l’attaque de l’aéroport.

Les sept autres hommes inculpés, sont pour la plupart soupçonnés d’avoir aidé Abrini et Krayem, parfois en les hébergeant. Trois d’entre eux ont été remis en liberté au cours de l’enquête.

Les zones d’ombre

Confiée à trois juges d’instruction, l’enquête est pourtant loin d’être bouclée. Les autorités par exemple, ne savent toujours pas avec certitude qui a organisé et ordonné ces attaques. Selon le procureur fédéral belge, les ordres sont venus de « très haut » dans le commandement de Daech. Mais certains commanditaires ont peut-être été tués depuis par des frappes sur les bastions de l’organisation en zone irako-syrienne.

De fortes présomptions visent Oussama Atar, activement recherché depuis l’été dernier. Les enquêteurs sont convaincus que ce Belgo-marocain de 32 ans, vétéran du djihad, ancien des geôles américaines d’Irak dans les années 2000, se cache derrière le nom d’emprunt « Abou Ahmed ». L’analyse de l’ordinateur retrouvé tout près de la planque des assaillants de l’aéroport a révélé que ces derniers entretenaient des contacts étroits avec cet homme. Corroborant cette piste, un algérien, arrêté fin 2015 en Autriche alors qu’il revenait de Syrie, a identifié « Abou Ahmed » comme son donneur d’ordre de Raqqa sur une photo correspondant à Atar.

Autre point d’interrogation : la véritable identité du dénommé « Mahmoud » que Laachraoui, diplômé en électromécanique, interroge sur la confection des explosifs, d’après un autre fichier du PC. Il pourrait ne faire qu’un avec l’alias « Ahmad Alkhald », suspect introuvable des attentats du 13 novembre.

Climat tendu

La Belgique avait déjà été choquée en mai 2014 par le premier attentat commis par un djihadiste rentré de Syrie, au musée juif de Bruxelles, qui avait fait quatre morts. Mais le 22 mars 2016, le pays a été sidéré par l’ampleur de la tuerie. Un an plus tard, la menace terroriste est encore omniprésente en Belgique, et particulièrement dans la capitale, Bruxelles. Des militaires continuent de patrouiller en ville et à sécuriser les sites sensibles. Des opérations et descentes de police ont lieu toutes semaines ou presque.

Après les attentats, la presse internationale n’avait pas été tendre, qualifiant le pays de « failed state » (État failli). En cause, la fragmentation du système politique dominé par les conflits entre Flamands et francophones et surtout, les carences des services de police et de renseignement. Une commission d’enquête parlementaire poursuit d’ailleurs ses auditions pour répondre à une question centrale : comment la Belgique a-t-elle laissé se développer des cellules djihadistes dans ses quartiers ?

Depuis, la législation antiterroriste a été renforcée, et les perquisitions sont désormais autorisées la nuit. « Notre pays est plus sûr » qu’il y a un an, assure le ministre de l’Intérieur, Jan Jambon, rappelant que d’« autres démocraties » ont subi la même terreur.

Aide aux victimes

Les associations d’aides aux victimes se plaignent en nombre de la lenteur des procédures administratives après les attentats. « Nous avons bien compris qu’il y avait encore des choses que nous pouvions améliorer », a reconnu dans un entretien à l’AFP le ministre de l’Intérieur, assurant que les autorités mettaient à présent « tout en œuvre » pour améliorer la situation.

Face aux critiques, le gouvernement belge a promis en février d’accorder un « statut de solidarité nationale » aux victimes d’actes de terrorisme, leur garantissant notamment une aide financière à vie. Mais la loi en préparation ne satisfait pas les associations, notamment parce qu’elle ne couvre que les personnes qui résidaient en Belgique au moment des attentats.

De son côté, la fédération belge des compagnies d’assurance Assuralia a promis de donner un coup d’accélérateur au traitement des 1361 dossiers ouverts après le 22 mars auprès de ses membres, ainsi que le « doublement » des indemnités versées pour « dommage moral » pour les personnes grièvement blessées et pour les ayants droit des victimes décédées.

Musulmans discriminés ?

Selon Unia, le centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, ces attentats ont créé une atmosphère pesante pour les personnes musulmanes en Belgique. « On ne peut pas nier la réalité : les attentats ont laissé des traces. Il y a plus de peur, de regards suspicieux », selon Patrick Charlier, le directeur du centre. Ce constat est partagé par le collectif contre l’islamophobie en Belgique (CCIB). « Les actes islamophobes ont augmenté en quantité et en gravité », a affirmé à l’Agence France-Presse son vice-président, Hajib El Hajjaji. Cette ONG a recensé 120 comportements racistes envers des musulmans en 2016.

Mais l’islamophobie touche en particulier des musulmanes : insultes, passage du propos haineux à l’agression physique. Le CCIB cite le cas d’un homme frappant de sa mallette et poussant violemment une femme qui sortait d’un hôpital, aux cris de « sale race de m.... d’Arabes ». Le monde du travail « n’échappe pas à cette polarisation de la société », souligne Patrick Charlier. L’an dernier, les dossiers ouverts par son centre sur base de critères raciaux ou de conviction religieuse ont augmenté respectivement de 14 et 91%. Le sport est lui aussi touché. Le footballeur Idriss Saadi, qui évolue en 1re division belge, a laissé éclater sa colère à la télévision, après s’être fait traiter de « sale Arabe, sale terroriste » des tribunes.

La réponse des autorités, après les attentats de Paris et Bruxelles, a été la mise en place d’un « plan Canal ». L’objectif : lutter contre la radicalisation dans certaines communes, comme Molenbeek, situées le long du canal de Bruxelles. S’il contient un volet préventif, ce plan mise surtout sur la lutte contre les trafics, source de financement du terrorisme. Il s’est traduit par un renforcement de la présence des forces de l’ordre. Problème : des policiers pratiqueraient le « profilage ethnique » lors de contrôles, une « pratique illégale », selon la Ligue belge des droits de l’Homme.

Source : lefigaro.fr
Auteurs : Etienne Jacob , AFP, AP, Reuters Agences
Date : 21 mars 2017

Crédit photos : Source : lefigaro.fr Auteurs : Etienne Jacob , AFP, AP, Reuters Agences Date : 21 mars 2017

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