« Je ne vis pas, je survis » confie Sandra, mère d’une victime de Millas

Sandra Chinaud est la mère de Teddy, 11 ans, victime du drame de Millas, où 6 collégiens avaient trouvé la mort en décembre 2017. Leur car scolaire coupé en deux par un TER.

C’est une femme éperdue de chagrin mais forte, dans une quête de vérité qu’elle conçoit comme « un combat pour (son) fils ». Sandra Chinaud est la maman de Teddy, 11 ans, l’un des six collégiens de Saint-Féliu-d’Avall victime de la collision entre leur bus scolaire et un TER le 14 décembre dernier à Millas (Pyrénées-Orientales). Sa conviction, comme le relaie son avocat, Me Eric Moutet, est qu’« un enchaînement de causes et de responsabilités » serait à l’origine du drame, et « pas forcément une cause unique ».

Dans la foulée d’une récente audition par l’une des juges d’instruction en charge de l’enquête, elle a choisi de s’exprimer. Pour dire son rejet « des spéculations » et de la désignation à la vindicte « d’une coupable toute trouvée » (la conductrice du bus). Pour rendre hommage à son fils, un jeune garçon « qui adorait la vie ». Récit.

« Il a été débranché le 18 décembre »

« Quand on dépose son enfant le matin et qu’on ne le revoit pas le soir, c’est inacceptable. Ce 14 décembre, j’attendais mon fils, comme tous les jours, à l’arrêt du bus qui n’arrivait pas… C’est en téléphonant au frère aîné de Teddy que je suis tombée sur une photo du bus éventré… J’ai entendu les hélicos… Et là, c’est l’horreur, l’impensable.

Avec les autres parents, on a été conduits au collège, puis à l’hôpital. On a attendu, attendu… On ne savait rien sinon qu’il y avait des décès et qu’il ne fallait pas qu’il y ait d’erreur d’identification. On m’a demandé son groupe sanguin, des photos… Vers 1h30 du matin, on m’a annoncé qu’il était en réanimation. Pour moi il était là, en réa, donc en vie. Ils allaient le sauver… Les médecins n’ont pas réussi. Teddy a été débranché le 18 décembre au soir. Je suis restée jusqu’au bout, 24 heures sur 24, avec lui. »

"Plusieurs responsabilités"

« Depuis le début, beaucoup de choses se disent dans les médias. Des spéculations qui me semblent erronées et auxquelles je ne veux pas être associée. Malgré la douleur, la haine, j’essaie de rester lucide. Je ne comprends pas ces déballages alors que l’enquête ne fait que débuter. Je ne veux pas qu’elle soit bâclée pour qu’on trouve un coupable. Dans un accident collectif, il y a plusieurs responsabilités. C’est un enchaînement où il ne faut rien laisser de côté.

La conductrice ? Elle a une part évidente puisqu’elle conduisait le bus. Après, il faut attendre les preuves matérielles. Elle fait figure de coupable toute trouvée : le pot de terre contre le pot de fer face à la SNCF, qui y est aussi à mes yeux pour quelque chose. J’ai lu tout le dossier (NDLR : sauf les rapports médico-légaux concernant son fils). Les témoignages sur la barrière – ouverte ou abaissée – sont contradictoires : c’est 50/50 (NDLR : ce qu’avance également son avocat Me Eric Moutet). Il faut attendre les expertises techniques et les reconstitutions. Pour que ce drame serve de leçon, il faut prendre le temps. »

« Il adorait la vie »

« Mon fils était un très beau garçon, toujours souriant, très mûr pour son âge, très vif. Il adorait la vie ! Il disait souvent qu’il fallait en profiter ! (elle sourit). C’était un passionné de danse sportive, qui partait en compétition avec sa petite partenaire. Rumba, cha-cha-cha… Il voulait aller au Championnat de France ! Il adorait l’école : il lui tardait le collège, où il était entré en 6e à Millas en septembre. Il s’intéressait beaucoup à tout ce qui est scientifique. Et aux animaux aussi, sa passion…

C’est difficile. Aujourd’hui, je ne vis pas, je survis. J’essaie de tenir pour lui, pour son frère, pour faire la lumière sur ce drame. Je n’ai pas repris le travail. Je ne sais pas comment faire. Comment retourner dans notre vie comme si rien ne s’était passé ? On rentre le soir, notre enfant n’est pas là, on part le matin, il n’est pas là… Il y a eu beaucoup de solidarité et je veux remercier tous ceux qui m’ont soutenue. Le reste du temps, c’est le vide, l’absence. Même s’il est dans mon cœur, tous les jours avec moi. »

« Je veux tout savoir »

« Mon combat, c’est mon fils. Je suis prête à me battre pour trouver la vérité, pour lui et pour les autres enfants. En tant que partie civile, je veux participer et connaître tout le déroulement de l’accident. La scène tourne dans ma tête. Où mon fils était-il placé dans le bus ? A-t-il vu le train arriver ? A-t-il eu peur ? A-t-il souffert ?

Depuis le jour de l’accident, ces questions me hantent. Je les ai posées à la juge, aux médecins, à mon avocat… Je veux tout savoir, même si cela doit me faire mal. Sa vie s’est arrêtée à 11 ans. Je ne le verrai plus grandir. De lui, je veux que tout le monde se souvienne. »

Source : Le Parisien
Auteur : Pascale Égré
Date : 31/03/2018

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