PROCES DES ATTENTATS DU 13 NOVEMBRE 2015 I JOUR 13 : LES VICTIMES ONT LA PAROLE. LES AUDITIONS DES PARTIES CIVILES DÉBUTENT AVEC LES TEMOIGNAGES DE CELLES ET CEUX CONFRONTÉS AUX EXPLOSIONS AU STADE DE FRANCE.

Cette treizième journée d’audience débute avec de nouvelles constitutions de parties civiles avant de laisser place aux premières auditions de victimes, déjà constituées parties civiles, qui commencent ce jour.

Par ordre chronologique, ce sont celles liées au Stade de France qui sont entendues : qu’elles aient été blessées, choquées, ou endeuillées par ces explosions, elles ont aujourd’hui la possibilité de livrer leur récit devant la Cour et les accusés.

Les cavaliers de la garde républicaine sont les premiers à être auditionnés. Patrouillant le 13 novembre au soir, ils étaient dix cavaliers présents avec leurs chevaux. Ce soir-là, Philippe D, explique qu’il y avait une jeune officier en plus. Alors qu’il se dirigeait en sa compagnie vers la rue de l’Olympisme, ils ont croisé l’un des terroristes sans le savoir. Il s’agissait de Bilal HADFI. L’assaillant a complimenté les yeux de la lieutenante après avoir demandé où se trouvait le McDonald’s, juste avant de se faire exploser. Une énorme déflagration a retenti à une vingtaine de mètres, explique-t-il. Philippe D, décrit entendre une personne hurler, il a joint le poste central puis s’est approché de la terrasse du bar l’Events où il a aperçu une jambe. Pensant dans un premier temps à un mannequin, il a réalisé qu’elle était en fait tranchée et que quelque chose de grave venait de se passer. Vingt minutes se sont écoulées, pense-t-il, avant la deuxième explosion. En réalité, il n’y en a eu que trois à quatre minutes. Retrouvant le commissaire autour du corps de la seule victime décédée, il lui est ordonné de rentrer aux écuries avec les autres cavaliers notamment, pour écarter un risque d’encombrement avec les chevaux dans l’hypothèse d’une évacuation, ce qu’ils ont exécuté.

Le gendarme explique qu’il a voulu témoigner au procès car, à l’époque, il avait 33 ans de gendarmerie, qu’il a toujours eu l’habitude des scènes de crime, mais il y a un normalement un laps de temps pour s’y préparer, confie-t-il. Ce soir-là, il n’y a pas eu ces minutes pour se préparer psychologiquement contrairement à la BRI, au GIGN et au RAID qui savaient plus ou moins à quoi s’attendre. Ils ont dû absorber directement le choc avant que les gestes réflexes ne reviennent progressivement. Il se demande encore aujourd’hui s’il a fait de son mieux. Le gendarme dit que les victimes du stade de France sont souvent oubliées, que les cavaliers de la garde républicaine également, comme s’ils « n’existaient pas ».

Le deuxième témoin s’approche, également gendarme à l’époque à la section de transport de la garde républicaine. Habitué aux défilés du 14 juillet et au transport de musiciens, l’ambiance est toute autre ce soir du 13 novembre où il transportait cette fois-ci ses collègues aux abords du stade de France. Son rôle, c’était d’attendre les cavaliers et de préparer le repas du soir. Alors que les patrouilles rentraient une par une et qu’ils s’attablaient, cachés par le camion, ils ont entendu une explosion à 25 mètres. Ils sont intervenus tout de suite au niveau des blessés, il y a des cris et de la fumée, précise-t-il. Alors qu’il a donné l’alerte et l’a diffusée au maximum, la deuxième explosion a retenti à une centaine de mètres. Ils se sont tous retrouvés à terre. Alors que le gendarme s’apprêtait à intervenir, il a appris que l’ordre a été donné que les cavaliers devaient sortir du dispositif. Il confie avoir été très choqué par les morceaux de chairs, l’odeur, le sang ; lui-même est recouvert de sang. Il s’est aperçu très vite les jours suivants qu’il était très marqué, qu’il dormait mal et qu’il était en hyper activité pendant les deux-trois mois qui ont suivi. Il sera suivi par la psychologue de la garde républicaine. Il raconte que ses souffrances seront ravivées lorsqu’il se trouvera sur les champs Élysées avec ses collègues et que l’un d’entre eux se fera assassiner par un terroriste le 20 avril 2017. Le vivant très mal, il est alors hospitalisé pendant 45 jours. Aujourd’hui, il n’est toujours pas bien et voit un psychiatre. Il habite maintenant en Vendée et est suivi par l’hôpital de la Roche-sur-Yon. Les images sont là et persistent.

Le témoin finit son audition en soulignant que la terreur, en plus de hanter les victimes, a aussi hanté et impacté les familles. Il rappelle qu’il est nécessaire de prendre en compte les victimes indirectes, qu’il y a un avant et un après 13 novembre. Il voudrait que cela soit pris en compte pour ceux qui étaient sur place, qu’il n’y « a pas que les victimes blessées mais tout ceux derrière qui ont mal vécu cette période et ont partagé ce drame », c’est le témoignage d’un post traumatisé, termine-t-il.

Le troisième gendarme à la barre confie avoir essayé d’avoir les premiers réflexes, qu’il a fait ce qu’il pouvait, puis il est rentré chez lui et confie que le lendemain, il s’est aperçu avoir les symptômes du stress post traumatique. Il termine son témoignage confiant regretter que ses supérieurs n’aient pas été plus compréhensifs.

Le quatrième gendarme qui s’exprime est actuellement domicilié et en poste en Guyane française. Il raconte que le 13 novembre 2015, il portait un gilet par balle, pourtant il explique être traversé par une onde de choc dès la première explosion, quelque chose qu’il ne connaît pas, dit-il. Il déclare : « on peut être préparé a beaucoup de choses mais quand on ne l’est pas, on se pose un milliard de questions. » Lors de la seconde explosion, il recevra des débris. Plus tard, il est chez lui, et s’est aperçu qu’il avait de la chair dans les cheveux. Aujourd’hui, il confie : « je veux dire à quel point la lâcheté humaine fait du mal aux familles. Je n’ai pas grand-chose à dire de plus. » Il répond qu’il n’est pas suivi psychologiquement lorsque le Président l’interroge à ce sujet et que sa thérapie est de vivre en Outre-Mer.

Vient ensuite à la barre le Chef d’escadrons, Jonathan D. Le témoin commence son audition en expliquant qu’ils sont intervenus en tant qu’unité de sécurité publique générale et précise qu’ils ne sont pas formés dans le cadre d’intervention, eux sont à cheval. Il raconte réunir ses équipes lorsque la première explosion intervient, un silence de mort s’en suit, puis un crie déchirant « bande d’enculés ». Il a constaté le décès de deux personnes puis découvert des membres, une jambe, un bras, et aperçu ce qui lui semblait être des fils dépasser du corps. Il a réalisé qu’il avait devant lui les restes d’un kamikaze, qu’il y avait un danger de mort, un risque de sur explosion, et a décidé de faire un gel des lieux pour éviter que les personnes ne se rapprochent. Ensuite ses réflexes de gendarme sont revenus au fur et à mesure : protéger, secourir, renseigner et enquêter.
Les militaires étaient perdus et pourtant ils vont agir en se concentrant sur les missions données aux uns et aux autres. Les victimes seront prises en charge. Lui veillera à faire effacer des téléphones portables des photos prises par des badauds des corps au sol. Ce qui le blesse et qu’il confie « c’est que finalement après, je suis obligé de montrer ces photos, celles qu’on n’a pas réussi à faire effacer pour justifier de ma présence sur les lieux et de mon état de victime. »

Lorsque la seconde explosion intervient, il parle d’un état de sidération par rapport à la première, il explique qu’il est resté sans rien faire. Il décrit avoir une image, celle du mur du stade de France qui se dresse devant lui et le public qu’il entend applaudir et crier de joie. Là, il a pensé être en face de deux mondes inconciliables : la vie et la mort. C’est la désolation autour de lui, et c’est une image qui le hante encore aujourd’hui.
Puis, le commissaire lui a ordonné de partir avec les autres cavaliers, ordre qui lui paraît incongru car hormis la présence des treize gendarmes, il n’y a pas d’autres forces de police au niveau de la scène de crime. A trois reprises, le commissaire lui demandera de « dégager », il n’insistera pas, se mettra en retrait, mais il confie qu’il va désobéir et décidera de maintenir son dispositif estimant qu’il n’y a pas assez d’effectifs pour tenir la scène de crime, protéger les blessés et le gel des lieux qui permet de préserver les indices. Il restera donc sur zone.
Il explique même avoir pris la main sur le commandement de CRS qui n’ont reçu encore aucune consigne. Il a décidé d’utiliser leur bus pour mettre à l’abri les témoins, les identifier et continuer à répondre et gérer les différentes réactions. Puis, comme il a eu ce renfort de CRS, il allègera son dispositif et fera partir l’ensemble de ses gendarmes.
Arrivé aux écuries, il a constaté que ses militaires étaient dans des états seconds et a découvert, ensuite, un long parcours entaché de démarches, de manque de reconnaissance, et d’absence de soutien de sa hiérarchie dont il racontera les difficultés tout au long de la fin de son récit.

Madame Sophie DIAS s’approche ensuite de la barre. Elle se présente : « j’ai 39 ans, et je suis la fille de Manuel, 63 ans, seule victime du stade de France décédée le 13 novembre par l’explosion d’une ceinture explosive. »

La jeune femme raconte qu’elle était au téléphone avec sa mère lorsque cette dernière a interrompu la conversation pour répondre à son père qui était en double ligne. Il lui a indiqué qu’il était au stade de France et qu’il attendait ses clients. Reprenant sa fille au téléphone, sa mère lui a indiqué que son père l’embrassait. Sophie va ensuite au restaurant et découvrira à la télé portugaise les premières images des attentats à Paris. Elle décidera d’appeler son père pour en parler avec lui. Pas de réponse. Elle a rappelé 10-20-30 fois, dit-elle. Elle n’a pas osé appeler sa mère mais a contacté son frère puis l’employeur de son père qui lui confiera avoir lui-même été contacté par les clients de M. DIAS qui n’avaient pas de ses nouvelles. L’employeur a décidé de partir à sa recherche mais ne l’a pas trouvé aux abords du stade. Vers 2 heures du matin, Sophie a appelé le Quai d’Orsay et le consulat. Finalement, c’est sa mère qui est parvenu à échanger avec quelqu’un qui lui a indiqué que Manuel DIAS n’apparaissait pas sur la liste des victimes. Le 14 novembre au matin, l’information est toujours la même, « il n’est pas sur la liste ».

Puis vers midi, elle a finalement reçu la confirmation de la part du Quai d’Orsay que son père était bien décédé. Elle a du mal à le croire car elle a été contactée quelques minutes avant par la police qui lui a indiqué le contraire. Elle est rapatriée d’urgence pour l’annoncer à sa mère qui a compris la nouvelle dès qu’elle a vu sa fille arriver. Elle explique qu’à partir de là, le parcours du combattant ne fait que commencer : de lourdes démarches, un manque d’empathie constant, un besoin de justifier son statut de victime en permanence, la froideur glaciale de l’IML. Puis Sophie parle de son père, de sa personnalité solaire, « un papa poule » dit-elle, un mari modèle, un bon vivant, le pilier de la famille, celui qui était au téléphone avec sa femme pour prendre de ses nouvelles au moment où la ceinture explose. C’était un couple fusionnel qui s’appelait tout le temps. La mère de Sophie qui est dans la salle n’aura d’ailleurs pas la force de s’exprimer. Puis la jeune femme évoque les difficultés également rencontrées avec le fonds de garantie, ces interminables procédures avec des experts froids qui minimisent les préjudices. Sophie finit en remerciant les premiers intervenants qui ont pu lui expliquer où se trouvait son père quand il est décédé, elle confie « ça fait partie du deuil, et sans eux, on aurait pas pu reconstituer cette soirée au stade de France, site qui me tient énormément et je veux œuvrer pour ne pas qu’on n’oublie, Manuel DIAS, décédé sur ce site. »
Aux différentes questions qui lui sont posées, Sophie déplore ne pas se sentir accompagnée, évoque les mots de F. HOLLANDE qui lui avait dit qu’elle ne serait pas abandonnée. Finalement, confie-t-elle, avec le changement de Président, ce ne sont plus les acteurs qui étaient là quand l’attentat a eu lieu, on ne nous connait plus et l’implication n’est plus la même mais le combat, lui, reste le même.

Vient ensuite une autre victime blessée de l’attentat du Stade de France, il est aujourd’hui en fauteuil roulant. Père de cinq enfants, il est accompagné d’un ami pour avoir le courage de s’exprimer à la barre. Il était avec son fils aux abords du stade de France lorsque les explosions ont eu lieu. Il raconte s’être absenté aux toilettes, et tomber nez à nez avec un jeune transpirant et angoissé, pensant d’abord à un règlement de compte. Le témoin dit remonter dans la précipitation et ne plus apercevoir l’individu mais un autre homme croisé en arrivant qui l’avait déjà interloqué avec son fils. Le témoin explique se retourner et là retentit une énorme explosion ; son premier réflexe a été de chercher son enfant qu’il appelle, il y a des débris humains, il vérifie que ce ne sont pas ceux de son fils. Il explique qu’il n’a jamais eu peur de rien, qu’il a déjà vécu des attentats mais le fait que son enfant ait été impliqué l’a traumatisé. Après plusieurs minutes, le témoin raconte l’avoir retrouvé sain et sauf. Puis, il n’a qu’une seule chose en tête, c’est de déposer plainte pour identifier tout de suite les assaillants car il déteste l’injustice, confie-t-il. Il voit dans le regard des gendarmes et des CRS le sentiment d’impuissance qui les ronge.
Puis à la barre, il déclare : « je suis musulman, je fais mes prières 5 fois par jour, quand j’entends dire des gens qu’ils font ça pour Allah, le premier effort qu’on doit faire, c’est de ne pas tuer un enfant, un vieillard, une femme donc je ne peux pas me trouver dans ses actions. »
Il poursuit son récit. Juste après les explosions, il y a un loupé au stade de France, pense-t-il, il comprend que le but est de concentrer tous les services au stade de France pour mieux attaquer Paris. Il se dit qu’il manque du monde dans cette opération, comprenant que le reste des terroristes sont dans la capitale.
Le témoin blessé psychologiquement et physiquement explique avoir des problèmes au niveau de la moelle basse et de ses jambes. Après l’attentat, il boite mais se dit que ça passera jusqu’au jour où ses jambes l’ont lâché. Il n’arrivait plus à se relever. La reconstruction a été très difficile et l’est toujours aujourd’hui. Il explique qu’après avoir été très réticent à leur égard, s’être finalement appuyé sur l’aide des médias en témoignant. Il est devenu ambassadeur de la région ile de France dans le programme grand témoin pour aller parler aux jeunes lycéens et explique que c’est là qu’il fait sa thérapie. Il parle citoyenneté et aussi religion avec les jeunes, avec ceux qui se demandent ce que dit l’islam. Le témoin évoque également les nombreuses difficultés rencontrées dans le cadre du traitement de son dossier de demande d’indemnisation par le FGTI, oublié, car dans les premières victimes, dit-il.

Vient ensuite l’audition d’une jeune femme qui avait 33 ans à l’époque des faits et qui était au stade de France car elle avait accepté de faire une pige pour interroger des supporters allemands. La soirée se déroulait normalement lorsque le réalisateur lui a demandé d’aller jeter un œil côté restaurants pour voir s’il était possible de faire des plans. Elle explique passer devant une rue et apercevoir sur sa droite un camion de CRS, ce qu’elle a trouvé rassurant. Poursuivant son chemin, elle croisera deux-trois personnes lorsqu’une explosion la stoppera nette. Elle explique être restée debout, n’être pas tombée, mais stoppée par le bruit, la poussière et le souffle. Elle a un réflexe de fuite. Cependant, elle sentira des impacts au niveau de son corps, de son visage et ses jambes mais réussira à marcher. Elle a un réflexe d’aveuglement complet sur ce qui se passe autour d’elle, comme une auto-protection pour ne pas être heurtée par ce qu’elle pourrait voir. Puis elle sera guidée dans un restaurant. Elle savait qu’elle avait un impact sur le visage et confie avoir eu très peur d’être défigurée. Quelques minutes après, elle a été prise en charge par un camion de la sécurité civile, c’est là où elle a commencé à avoir mal, peur, et trembler, car l’adrénaline a arrêté son effet. Un moment après, elle s’est aperçue de brulures au 2 et 3ème degré, des hématomes qui commençaient à se former et un impact au niveau de la joue, puis elle a été dirigée vers l’infirmerie du stade de France.

La jeune femme indique à la Cour pouvoir montrer le projectile qu’elle tient dans une petite boite dans sa main. Un écrou de 18 mm qui a été retiré lors de son opération le dimanche 15 novembre.
Elle explique ensuite avoir développé un syndrome de stress post traumatique, dont le retentissement a été très important dans sa vie professionnelle et personnelle après les attentats. Elle devait commencer un travail dans une ONG, Première urgence internationale, qui intervient sur des terrains de conflit comme l’Afghanistan, la Syrie et le Soudan du Sud. Mais déplore avoir du mettre un terme à sa carrière alors qu’elle aurait pu aller aider les personnes dans le besoin, dit-elle. Elle poursuit en évoquant ses crises d’angoisse qui se déclenchent très facilement comme devant un film et conclue qu’elle n’a plus aucune résistance à la moindre émotion. La témoin confie ensuite qu’elle est tombée enceinte mais a eu une grossesse très difficile et angoissée en raison du stress post traumatique. Débutant finalement un travail au sein d’une base de loisirs, elle a du mettre fin au contrat après sept mois d’arrêt avec un licenciement pour inaptitude. Aujourd’hui, elle explique s’être séparée du père de sa fille, son couple n’ayant pas survécu aux attentats. Elle prend « les choses les unes derrière les autres ». Elle ne sait pas encore vers quoi elle va se diriger. Elle confie avoir appris la semaine dernière en écoutant la webradio qu’elle était à 17 mètres de l’explosion, « ça fait six ans que je me demandais où j’étais ». A ce jour, elle essaie de se servir de son traumatisme pour répondre aux appels des laboratoires de recherche, elle a participé notamment au programme 13 novembre, Remember, déclarant : « si mes séquelles peuvent servir à faire progresser la science, c’est déjà ça. »

Puis s’approche à la barre un homme. Vacataire ce soir-là au stade de France, il est au service de l’entrée du stade. Vers 20h45, alors que le chef d’équipe a demandé de ranger les barrières, le témoin a entendu une première explosion à 70 mètres au restaurant l’EVENTS, croyant au début que c’était un pétard, il a rapidement compris que ce n’était pas le cas lorsqu’il a vu des personnes courir dans tous les sens. Quelques minutes après, une deuxième explosion a retenti. Il a reçu cinq boulons, ce qui lui a perforé le bras, les chevilles et le dos entre autres, mais il est resté debout malgré tout.
Il a constaté que son blouson et son jeans étaient recouverts de sang et de chair. Il s’est assis et a commencé à avoir mal, s’est rendu compte de ses blessures sans comprendre. Il a essayé de repartir à la porte mais celle-ci était fermée. Il s’est dit être abandonné. Il a fait une prière,. L’homme s’interrompt dans son témoignage pris par l’émotion et quitte la salle.

Le Président propose d’entendre une autre partie civile le temps que la victime se remette. En revenant, il reprend son récit et explique finalement être parti pour aller prendre son deuxième travail lorsque son collègue lui a dit d’aller à l’hôpital au regard de son état, ce qu’il a fait. Il confie qu’il ne dormira pas pendant un mois et demi, que tout le coté gauche de son corps est abimé. Il explique avoir trouvé une thérapie et avoir vu beaucoup de psychologues. Sa thérapie, poursuit-il, c’est d’aller une fois par semaine au cimetière du père Lachaise, « personne n’est enterré là pourtant » précise-t-il, mais ça lui fait du bien, il s’assoit et médite. Il termine en disant qu’il est venu parler car sa vie « est un livre et il faut tourner les pages », il ajoute qu’il a fait un film documentaire, « 13.11 vivre avec », il est parti en Syrie et au Maroc pour le tournage et a voyagé avec d’autres victimes, trois filles et deux garçons.

Monsieur Hervé M. quand à lui travaillait dans l’évènementiel sur plusieurs sites, dont le stade de France et le Bataclan. Sa mission, ce jour-là, c’était d’être présent Porte H pour gérer les litiges de billetterie. Puis l’explosion a lieu. Hervé a été pris de violents maux de tête et de sifflements au niveau des oreilles. Blessé, il décidera de rentrer malgré tout en transports en commun mais raconte qu’il était complètement désorienté. Il est arrivé chez lui à 1 heure du matin. Après avoir regardé les évènements à la télévision, il n’a pas dormi de la nuit. L’entreprise d’Hervé était également prestataire pour le Bataclan. Il a normalement des collègues hôtesses qui placent les spectateurs quand les billets sont numérotés, mais il réalisera que ce soir là personne de l’équipe n’y était car le placement était libre. Aujourd’hui, il dit être arrivé à passer au delà du traumatisme. Il s’est forcé à continuer à faire de l’évènementiel. Il a toujours des acouphènes qui le réveillent et lui rappellent les évènements. Il s’est mis à faire beaucoup de sport, du chi kung et de la méditation, ce qui l’aide à passer à autre chose.

Le dernier témoin de la journée est un homme, de nationalité égyptienne, grièvement blessé au stade de France le soir du 13 novembre.
Assisté d’une interprète en arabe, le jeune homme débute en s’adressant aux accusés et déclare : « Pour moi, la seule chose qui nous unit, c’est la langue ». il poursuit « on est différents sur beaucoup de choses, mais eux salissent tout, c’est une honte. »
Walid Y., a 33 ans. A l’époque, il s’était installé en France avec sa mère afin que son frère, atteint d’un cancer, puisse bénéficier de soins. Il est venu spécialement d’Egypte pour témoigner aujourd’hui. Le matin du 13 novembre, il explique qu’ils ont appris de mauvaises nouvelles concernant l’état de santé de son frère. Ce dernier était très fatigué. Walid explique avoir pris une décision de dernière minute d’aller assister au match. Il a acheté un billet à un vendeur clandestin. Cherchant la porte H, il est passé devant trois personnes aperçues dans un premier temps et là il y a l’explosion très forte alors qu’il courrait pour pouvoir rentrer dans le stade. Blessé, il s’est aperçu que son os sortait de sa jambe droite, presque séparée de son corps, il perdait beaucoup de sang. « J’avais l’impression que c’était mes derniers instants de vie » dit-t-il.
Les secouristes sont venus l’aider. Walid confie « ils ne savaient pas quelle était ma nationalité, ma religion, ils ne savaient même pas si j’étais auteur ou victime mais ont tout fait pour me sauver, c’est la différence entre ces gens-là qui sont miséricordieux, humanitaires, et d’autres gens qui tuent des gens sans les connaître. »

Son corps a reçu plus de 15 projectiles, il va tous les deux-trois jours au bloc opératoire, il a passé 100 jours aux soins intensifs. Lorsque sa dernière intervention échoue, il explique être confronté à la mort une 2ème fois. Walid raconte que quand il se réveille de son coma, il comprend que quelques jours après les attaques terroristes, il a été suspecté de faire partie des assaillants, qu’il y avait des canaux médiatiques qui postaient des accusations à son égard ce qui a été un choc pour lui et pour les gens de son entourage, raconte-t-il. En effet, lors de l’explosion, son passeport est tombé à côté du terroriste, provoquant le doute quant à sa présence sur place. Il sera vite innocenté après les recherches des différents services français et égyptiens.

Pour terminer, son avocate l’interroge sur les déclarations qui ont été faites par Salah Abdeslam depuis le début du procès, il répond : « ces déclarations ne pourraient être prononcées que par un ignorant qui ne croit pas aux musulmans, c’est leur islam qui l’a inventé et l’islam est innocent de ces gens-là. »

La journée se clôture sur ce dernier témoignage et l’audience est suspendue à 19h43.

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