À Trèbes, deux ans après les attentats, une "ambiance particulière qui n’est pas liée à la pandémie"

Confinement oblige, les Trébéens sont très peu à être de sortie ce 23 mars et le Super U, théâtre du pire il y a plus deux ans, n’a pas d’autre choix que de rester ouvert, en ce jour si particulier.

Déjà les quelques clients qui sortent du Super U en cette matinée de fin de mois laissent planer une atmosphère particulière avec les masques vissés sur leurs visages et les gants à leurs mains, mais c’est autre chose qui se joue, en ce 23 mars, dans le cœur des Trébéens. Tous ceux qui, de près ou de loin, ont vécu un drame presque surréaliste il y a déjà deux ans, n’oublient pas. "Il y a aujourd’hui une ambiance particulière dans la ville qui n’est pas liée à la pandémie ou au confinement", résume le maire de la commune, Eric Ménassi. "Tout le monde y pense, on ne peut pas mettre ça de côté, continue l’édile. Rien ne l’effacera de nos mémoires, bien au contraire. Cette journée reste gravée, même si nous avons aussi la volonté d’avancer."

On est tous un peu à cran

La peur, l’angoisse, l’effroi, l’abattement et pour certains le deuil. Ces sentiments qui les accompagnent depuis ce vendredi d’horreur sont impossibles à chasser. "Le covid 19 nous oblige à nouveau à affronter l’adversité, mais il n’est pas assez fort pour nous faire oublier les quatre victimes de l’attentat", témoigne Samia Ménassi, la directrice du magasin Super U, à l’intérieur duquel le terroriste Radouane Lakdim a pénétré en 2018. "Nous avons aujourd’hui une pensée particulière pour toutes les familles celle d’Hervé Sosna, de Jean Mazières, d’Arnaud Beltrame, et celle de notre collaborateur Christian Medves ", insiste la responsable. "C’est difficile. On est tous un peu à cran. Tout le monde l’a en tête mais personne n’en parle vraiment", ajoute-t-elle.

Car la journée de commémoration annoncée, n’a finalement pas eu lieu. Coronavirus oblige. Et le Super U, théâtre du pire, a ouvert ses portes, comme n’importe quel autre jour. "Nous n’aurions pas pu fermer puisque nous sommes un magasin à prédominance alimentaire, explique la dirigeante de la grande surface. L’année dernière nous l’avions fait pour que les familles puissent se rendre aux commémorations." A Trèbes, tous évoquent l’envie de continuer à vivre, tout en portant la mémoire des disparus.

Nathalie Medves : "Je vis avec cette douleur tous les jours"
Elle ne prend que très rarement la parole, préférant s’entourer de sa famille et ses proches et essayer de reprendre une vie normale. Nathalie Medves, la femme du chef boucher tué dans l’attaque du Super U, voit ce 23 mars comme une occasion pour les autres de se remémorer qui était Christian. De ne pas omettre dans quelles circonstances ce père de famille et mari aimant a été arraché aux siens. "Commémorer c’est ma vie depuis deux ans, raconte-t-elle. Évidemment, ça nous remue cette date (...) Mais ca ne change rien pour moi que l’on soit un 23 mars ou un autre jour. Je vis avec cette douleur tous les jours, c’est mon quotidien. Au moins aujourd’hui, je sais que les Français et même des personnes à l’étranger pensent à lui. J’ai reçu beaucoup de messages, qui viennent du monde entier."

En cette journée tristement mémorable, Nathalie Medves regrette surtout de ne pas pouvoir voir ses proches, ses amis qui l’entourent depuis l’annonce du décès de son mari. "C’est le plus difficile, confie-t-elle. J’ai besoin de les avoir autour de moi."

Elle évoque également l’enquête et la réunion récente, organisée à Carcassonne, avec le procureur et les juges d’instructions parisiens, qui "prouve qu’ils continuent à chercher". "Mais ça ne m’apporte rien personnellement, indique-t-elle. Il faut que les personnes impliquées soient punies, mais ça ne me ramènera pas mon mari et ça ne changera rien à mon quotidien". "Je n’attends pas après l’enquête. Il faut aller de l’avant pour mes filles et mes petites-filles", conclut-elle.

Publié par Laure Mamet pour l’Indépendant (images : Claude Boyer), le 23 mars 2020.

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