DOCUMENTAIRE. "Les catastrophes du Mont Sainte-Odile" histoire tragique d’un crash oublié

Le 20 janvier 1992 à 19h20, un sombre événement a secoué la France. L’Airbus A320 assurant la liaison Lyon-Strasbourg s’est écrasé sur les hauteurs du Mont Sainte-Odile par une froide nuit d’hiver, emportant près d’une centaine de vies. De la construction de l’avion jusqu’au récit poignant des survivants, un documentaire révèle une série d’erreurs et de décisions tragiques.

Il faisait froid le 20 janvier 1992. À 19h20, il faisait déjà nuit. Alors que l’Airbus A320, assurant la liaison entre Lyon et Strasbourg, amorce son approche finale sur l’aéroport de Strasbourg, il s’écrase sur les hauteurs du Mont Sainte-Odile. À son bord se trouvent presque une centaine de personnes. Retour sur une série d’erreurs, de mauvaises décisions prises dès la construction de l’avion jusqu’à la fin du procès en appel dans un documentaire à voir en replay ci-dessus.

Voici trois bonnes raisons de voir "Les catastrophes du Mont Sainte-Odile" de Xavier Naizet et Jean-Pierre Stucki.

Pour se mettre dans la peau des rescapés
31 ans après le crash, il ne reste plus guère de doutes quant aux circonstances de l’accident lui-même, ni des événements qui ont immédiatement suivi. Les témoignages des survivants, recueillis dans le documentaire, sont glaçants au propre comme au figuré. Plongés dans la sidération, les rescapés se regroupent hors de l’avion, dans la neige. Il fait nuit et déjà l’idée qu’on ne les retrouverait qu’au petit matin les traverse. Un avion et deux hélicoptères partent à leur recherche, en vain.

Du côté des secours, une cellule de crise s’organise, une colonne de secours se tient prête dès 21h. Mais ordre lui est donné de ne pas quitter Strasbourg. L’armée et la gendarmerie de leur côté s’engagent dans le sauvetage aussi. Des contre-ordres contredisent les ordres, et le chaos général se met en place.

C’est pas du tout les secours qui nous ont trouvés, ce sont des bénévoles

Pierre Lota, passager rescapé du vol Airbus Lyon Strasbourg du 20 janvier 1992
Sur les lieux du sinistre, ce sont d’abord des journalistes de FR3 Alsace (nom de l’époque), qui atteignent les blessés, sans pouvoir les aider. Puis une cohorte de villageois bénévoles. Pierre Lota, se souvient : "c’est pas du tout les secours qui nous ont trouvés, ce sont des bénévoles". Enfin, l’armée et bien plus tard, les blessés peuvent rejoindre les sauveteurs et l’hôpital de campagne. Valérie Monnier, hôtesse de l’air, déclare : " je n’ai pas vu de médecin, je n’ai pas vu de pompiers, j’ai été évacuée dans les derniers sur un brancard de fortune fait de branches de sapin et de parka militaire".

Les experts déclareront au procès qu’entre six et neuf personnes auraient peut-être pu être sauvées, si l’arrivée des secours avait été plus précoce.

Les images d’archives des journalistes de FR3 mais aussi de TF1 laissent sans voix. Les photos en noir et blanc de la presse locale stupéfient. Le calme des victimes contraste avec l’amateurisme des secours sur place. Les premiers motifs de colère sont posés.

Pour réaliser à quoi tient le destin

Ce 20 janvier 1992, Pierre Lota doit se rendre à Strasbourg. Pour rejoindre l’aéroport de départ de son vol, à Lyon, il prend sa voiture et l’autoroute. Au sortir du péage, il est percuté par une voiture. L’accident aurait pu être grave, mais il n’a rien. "Une première chance" dit-il. Il rate l’avion qu’il devait prendre ce matin-là et prend un billet pour le vol de fin de journée.

Le soir-même, à bord de l’avion, il est installé à côté d’un jeune homme en queue de l’appareil. À deux reprises, l’hôtesse vient lui proposer de rejoindre l’avant de l’avion, où quelques places de meilleur standing sont encore libres. Ayant sympathisé avec son jeune voisin, d’agréable compagnie, il refuse la proposition et reste à l’arrière de l’avion. Le détail qui lui sauve la vie.

Pour comprendre le contexte d’un crash : l’avant et l’après

On le disait parfait. Le dernier petit bijou d’Airbus. Dans un marché de l’aéronautique concurrentiel, il fallait qu’il reste un modèle de fiabilité. Pas question de mettre en cause la conception de l’Airbus A320. Et même si les experts pointent du doigt l’absence d’alarme de proximité de sol (GPWS), même s’ils mettent en doute l’ergonomie d’un bouton à double fonction (qui peut induire le pilote en erreur), rien n’y fait. Airbus et Bernard Ziegler, alors directeur technique de la société et concepteur de l’A320, le maintiennent : l’avion est parfait et rien ne peut lui être reproché.

Malheureusement, il fallait qu’il y ait quelque chose qui se passe pour que les choses soient modifiées.

Valérie Monnier
Hôtesse de l’air sur le vol Airbus Lyon Strasbourg du 20 janvier 1992

Rien à voir avec les choix stratégiques de l’entreprise, en termes de moyens humains et d’ergonomie. L’erreur est purement humaine. Point. Pourtant, Airbus modifiera la fameuse molette à double commande et ajoutera les balises GPWS par la suite sur ses mêmes modèles A320. Valérie Monnier le regrette, "malheureusement, il fallait qu’il y ait quelque chose qui se passe pour que les choses soient modifiées  ; on était le cobaye. Pour moi, l’avion n’était pas prêt pour voler".

Et c’est enfin le procès qui viendra donner le coup de grâce à l’association des familles de victimes ECHO (Entraide de la Catastrophe sur les Hauteurs du Sainte-Odile). Quatorze ans après la catastrophe, les familles se trouvent dans la position du pot de terre contre le pot de fer. Que faire contre une puissance industrielle, fer de lance de tout un pays, contre l’armée, cette grande muette, et contre les autorités préfectorale et administrative. Qui sont les responsables ? Le procès, ainsi que ceux qui suivront, ne le diront pas. Relaxe générale.

L’indignation redouble la colère des familles de victimes. Alvaro Rendon, ancien président de l’association des familles de victimes ECHO hurle face à la presse : "Personne ! Rien ! C’est ça la justice de la France ? Cet avion était parfait, notre pays est une merveille. Vous allez pouvoir vendre tous les A320, allez-y, mais ils auront 87 victimes et nous tous derrière".

Circulez, il n’y a rien à voir.

Cet article est rédigé par Stéphane Hérel pour Franceinfo.

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