IL Y A VINGT ANS, LE NAUFRAGE DU FERRY SENEGALAIS « JOOLA »

DANS LE RETRO- Le 26 septembre 2002, le « Joola » sombre au large de la Gambie. Un terrible accident qui fera 1 863 morts et disparus selon le bilan officiel. Retour sur les faits.

Ce 26 septembre 2002, le « Joola » qui porte le nom de l’ethnie majoritaire de Casamance au Sénégal, fierté de la Nation, appareille de Ziguinchor pour rallier Dakar, la capitale. C’est un trajet qu’il effectue quatre fois par semaine, un moyen de transport plus sûr que la route terrestre où sont enracinés la rébellion et les pillards. Le navire, construit en 1990, est à l’origine d’une capacité comprise entre 500 et 600 personnes. Ce jour-là, trois fois plus de passagers sont entassés sur l’embarcation…

En fin de soirée, le navire est pris dans une météo difficile. Les passagers essayent, pour s’abriter du vent et de la pluie, de se mettre d’un côté du bateau, ce qui accentue brusquement le déséquilibre du « Joola ». La surcharge du navire va être fatale, le navire chavire peu avant 23 heures, au large de la Gambie. De nombreux passagers sont jetés à l’eau, d’autres restent coincés dans la coque alors qu’une minorité réussit à se réfugier sur la coque du bateau retourné ou à prendre un des canots de sauvetage opérationnel.

"Le bateau s’est retourné en quelques minutes, et peu de gens ont pu sortir de la coque"

Le bilan est très lourd : selon les chiffres publiés par l’État sénégalais, 1 863 personnes ont trouvé la mort lors de ce naufrage. Seuls 608 corps ont été retrouvés et 64 personnes ont survécu. C’est le cas de Patrice Auvray, un Français de 46 ans, qui témoigne dans « Sud Ouest Dimanche » du 29 septembre 2002 :

« En ce qui concerne la catastrophe elle-même, ça s’est passé très, très rapidement. Le bateau s’est retourné en quelques minutes, et peu de gens ont pu sortir de la coque. Donc, nous nous sommes retrouvés à l’extérieur. Et ne trouvant pas grand-chose, nous avons fini par réussir à grimper sur la coque et à nous entraider pour hisser près de nous tous les rescapés. Malheureusement, tout le monde n’a pas pu y monter. Nous n’étions plus que 22. »

Le « Titanic » sénégalais

Dès les jours suivant la catastrophe, la polémique enfle. Dans « Sud Ouest » du 1er octobre 2002, pour Ibrahim N’Diaye, le président de l’Union des travailleurs sénégalais de France, elle est inévitable et de rajouter : « C’est le problème du laisser-aller dans tous les transports (au Sénégal-NDLR). L’absence de sécurité est flagrante, dans le train par exemple. » Dans ce même article, Alioune Diawara, assureur, explique que le « Joola » avait des raisons de rester à quai. « Les experts étaient sceptiques […] Ils l’avaient fait savoir au ministre des transports, à l’occasion de la remise en service, le 10 septembre. Momar Thiam, consul général du Sénégal à Bordeaux d’en finir : « pourquoi la presse n’a pas été entendue lorsqu’elle a observé que ce bateau ne pouvait fonctionner avec un seul moteur. Il faut savoir aussi pourquoi on ne semblait pas comptabiliser les enfants qui embarquaient sans ticket. »

Ajouté à cela, l’arrivée très tardive des secours (des pêcheurs au petit matin, les secours officiels arrivent en fin d’après midi), une surcharge irresponsable, des conditions météo catastrophiques,… Le naufrage du « Joola » fera plus de victimes que le « Titanic », faisant de lui l’une des pires catastrophes maritimes de l’Histoire.

La justice

Le 7 août 2003, les autorités sénégalaises classent le dossier sans suites judiciaires. Seul le commandant du navire, Issa Diarra, disparu durant le naufrage, est déclaré responsable.

En France, une information judiciaire est ouverte en août 2003, à la suite d’une plainte de familles de victimes, des chefs d’homicides et blessures involontaires par violation délibérée des règles de prudence ou de sécurité et non-assistance à personne en péril.

Plus de douze ans après le naufrage, le 28 octobre 2014, les juges d’instructions du tribunal d’Evry rendent une ordonnance de non-lieu « en raison des dispositions internationales ». Pour l’avocat de l’Afv Joola, l’association des familles de victimes, Me Étienne Rosenthal, la décision est : « un non-sens sur le plan juridique et sur le plan plus général vis-à-vis des victimes. On les prive d’un débat qui aurait dû s’exporter devant le tribunal correctionnel ».

L’ordonnance est confirmée par la cour d’appel en 2016 et le non-lieu est définitivement retenu par la justice française, la Cour de cassation validant cette analyse.

Crédit photos : // Article rédigé par Olivier Pech pour Ouest-france.fr le 26/09/2022

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